Le feu de l’autre

« Ce n’est pas tant d’allumer le feu chez l’autre, mais plutôt de laisser là, une allumette. »

Nous avons souvent tendance à nous sentir excessivement responsables des besoins et des actions de nos partenaires. Nous prenons des décisions pour eux, leur donnons des conseils, suggérons des changements, proposons des solutions, et cherchons à les motiver, entre autres.

Ensuite, lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu dans leurs expériences, nous sommes mécontents pour eux, à leur place, voire contre eux. »

En réalité, tout cela n’a absolument rien à voir avec nous. Nos partenaires peuvent être trop polis, craintifs, habitués ou repliés sur eux-mêmes pour nous demander de les laisser enfin exister!

Nous sommes pris au piège de notre réflexe inconscient et anxieux de tout régler immédiatement, de prendre le contrôle afin que les événements correspondent à nos croyances et à notre conception, par exemple, d’une relation ou d’une sexualité «normale».

Nous tentons anxieusement de tout contrôler ! Nous le faisons déjà pour nous-mêmes depuis l’enfance, au travail cela est valorisé et encouragé, nous l’avons fait intérieurement avec nos émotions indésirables, et maintenant que nous sommes en couple, nous le faisons subir à l’autre.

Cependant, étant donné que l’énergie du désir intime et érotique émerge principalement dans un environnement sécurisé et favorable à l’expression des individualités, ces comportements inconscients entravent le désir de nos partenaires.

En matière de sexualité, lorsque nous prenons la responsabilité du désir ou des envies de l’autre, cela ne peut conduire qu’à la déception, l’insatisfaction, la confusion, la peur, voire la honte.

«Elle me rejette !» «Il ne me désire pas !» «Je fais tout pour l’exciter ou lui donner envie, mais rien ne fonctionne. Je ne suis pas assez bon, beau, compétent !» «C’est sans doute à cause de nos conflits, des enfants, de la pornographie, de nos corps, etc.»

Nous percevons ici la pente glissante et dangereuse vers laquelle cela nous conduit !

Si du côté «face» de la pièce nous nous positionnons comme «responsables», alors, en cas de problème, l’envers de cette pièce serait que ce qui se produit est «de notre faute» !

Nous ne sommes pas responsables de l’émergence ou de l’absence de désir chez l’autre.

Ce que nous pouvons incarner, de manière désexualisée, c’est d’être les alliés de l’éveil des sens à tout moment, des guides qui posent les repères du plaisir au quotidien.

Nous pouvons représenter le modèle de l’humain qui explore son intériorité pour en extraire quelque chose d’intime à partager avec courage.

Nous pouvons accepter que nous sommes ceux qui veillent à ce que les souvenirs de plaisirs partagés ne sombrent pas dans l’oubli.

Nous devons créer un environnement de liberté, de reconnaissance et d’affection pour nous-même et nos partenaires, sans avoir d’attentes rigides ou d’objectifs préconçus.

Cela pourrait, avec patience et constance, amener l’autre à se rapprocher de son propre désir d’expression individuelle et sexuelle.

Cette étincelle jaillit de l’intérieur dans un climat favorable où, en tant qu’êtres humains, nous ressentons qu’il y a l’espace et l’oxygène nécessaires pour laisser ce feu nous prendre et nous consumer. »

Patrice Bécotte, Professionnel en sexologie B.A